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inondée des feux du soleil levant. La hauteur des montagnes qui bordent la route ne permettait pas encore au rayon matinal d’arriver jusqu’à eux. Le merle d’eau faisait entendre son petit cri plaintif dans les herbes du torrent. L’eau écumante et froide soulevait avec effort les voiles de brouillard étendus sur elle. À peine, vers les hauteurs, quelques lignes de lumière doraient les anfractuosités des rochers et la chevelure pendante des clématites. Mais, au fond de ce sévère paysage, derrière ces grandes masses noires, âpres et revêches comme les sites aimés de Salvator, la belle vallée, baignée d’une rosée étincelante, nageait dans la lumière et formait une nappe d’or dans un cadre de marbre noir.

— Que cela est beau ! s’écria Henry, et que je vous plains d’être amoureux, Lionel ! Vous êtes insensible à toutes ces choses sublimes ; vous pensez que le plus beau rayon du soleil ne vaut pas un sourire de miss Margaret Ellis.

— Avouez, Henry, que Margaret est la plus belle personne des trois royaumes.

— Oui, la théorie à la main, c’est une beauté sans défaut. Eh bien, c’est celui que je lui reproche, moi. Je la voudrais moins parfaite, moins majestueuse, moins classique. J’aimerais cent fois mieux ma cousine, si Dieu me donnait à choisir entre elles deux.

— Allons donc, Henry, vous n’y songez pas, dit Lionel en souriant ; l’orgueil de la famille vous aveugle. De l’aveu de tout ce qui a deux yeux dans la tête, lady Lavinia est d’une beauté plus que problématique ; et, moi qui l’ai connue dans toute la fraîcheur de ses belles années, je puis vous assurer qu’il n’y a jamais eu de parallèle possible…

— D’accord ; mais que de grâce et de gentillesse chez Lavinia ! des yeux si vifs, une chevelure si belle, des pieds si petits !