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je n’ai, d’ailleurs, rien à dire de la vertu de ma glorieuse cousine Lavinia ; je n’ai jamais essayé sérieusement de l’ébranler.

— Vous lui avez fait cette grâce, Henry ? Elle doit vous en être bien reconnaissante !

— Ah çà ! Lionel, de quoi parlons-nous, et qu’êtes-vous venu me dire ? Vous sembliez hier fort peu religieux envers le souvenir de vos premières amours ; vous étiez absolument prosterné devant la radieuse Ellis. Aujourd’hui, où en êtes-vous, s’il vous plaît ? Vous semblez n’entendre pas raison sur le chapitre du passé, et puis vous parlez d’aller à Saint-Sauveur au lieu d’aller à Luchon ! Voyons, qui aimez-vous ici ? qui épousez-vous ?

— J’épouse miss Margaret, s’il plaît à Dieu et à vous.

— À moi ?

— Oui, vous pouvez me sauver. D’abord, lisez le nouveau billet que m’écrit votre cousine… Est-ce fait ? Fort bien. À présent, vous voyez, il faut que je me décide entre Luchon et Saint-Sauveur, entre une femme à conquérir et une femme à consoler.

— Halte-là, impertinent ! s’écria Henry ; je vous ai dit cent fois que ma cousine était fraîche comme les fleurs, belle comme les anges, vive comme un oiseau, gaie, vermeille, élégante, coquette : si cette femme-là est désolée, je veux bien consentir à gémir toute ma vie sous le poids d’une semblable douleur.

— N’espérez pas me piquer, Henry ; je suis heureux d’entendre ce que vous me dites. Mais, en ce cas, pourrez-vous m’expliquer l’étrange fantaisie qui porte lady Lavinia à m’imposer un rendez-vous ?

— Ô stupide compagnon ! s’écria Henry ; ne voyez-vous pas que c’est votre faute ? Lavinia ne désirait pas le moins du monde cette entrevue : j’en suis bien sûr,