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dresse que j’ai pour toi, me font un devoir d’être austère et prudente avec lui. Mais explique-moi, je te prie, comment ton amour pour Abul s’est passé, et comment tu t’es décidée à épouser ce Zacharias que tu n’aimais point.

— J’ai sacrifié, répondit Mattea, un amour inutile et vain à une amitié sage et vraie. La conduite de Timothée envers moi fut si belle, si délicate, si sainte, il eut pour moi des soins si désintéressés et des consolations si éloquentes, que je me rendis avec reconnaissance à son affection. Lorsque nous avons appris la mort de ma mère, j’ai espéré que j’obtiendrais le pardon et la bénédiction de mon père, et nous sommes venus l’implorer, comptant sur votre intercession, ô ma bonne marraine !

— J’y travaillerai de mon mieux ; cependant je doute qu’il pardonne jamais à ce Zacharias, à ce Timothée, veux-je dire, les tours perfides qu’il a joués.

— J’espère que si, reprit Mattea ; la position de mon mari est assez belle maintenant, et ses talents sont assez connus dans le commerce, pour que son alliance ne semble point désavantageuse à mon père.

La princesse fit aussitôt amener sa gondole, et conduisit Mattea chez M. Spada. Celui-ci eut quelque peine à la reconnaître sous son habit sciote ; mais, dès qu’il se fut assuré que c’était elle, il lui tendit les bras et lui pardonna de tout son cœur. Après le premier mouvement de tendresse, il en vint aux reproches et aux lamentations ; mais, dès qu’il fut au courant de la face qu’avait prise la destinée de Mattea, il se consola, et voulut aller sur-le-champ dans le port voir son gendre et la soie blanche qu’il apportait. Pour acheter ses bonnes grâces, Timothée la lui vendit à un très-bas prix, et n’eut point lieu de s’en repentir ; car M. Spada, touché de ses égards et frappé de son habileté dans le négoce, ne le laissa point repartir pour Scio sans avoir reconnu son