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qu’Abul lui a fait un prêt de cinq mille sequins pour commencer sa fortune.

— Eh quoi ! vous avez épousé Zacharias ? s’écria Veneranda, qui voyait dès lors en Mattea une rivale. C’était donc de vous qu’il était amoureux lorsqu’il me faisait ici de si beaux serments et de si beaux quatrains ? perfidie d’un petit serpent réchauffé dans mon sein ! Ce n’est pas que j’aie jamais aimé ce freluquet ; Dieu merci ! mon cœur superbe a toujours résisté aux traits de l’amour ; mais c’est un affront que vous m’avez fait l’un et l’autre…

— Hélas ! non, ma bonne marraine, répondit Mattea, qui avait pris un peu de la fourberie moqueuse de son mari ; Timothée était réellement fou d’amour pour vous. Rassemblez bien vos souvenirs, vous ne pourrez en douter. Il songeait à se tuer par désespoir de vos dédains. Vous savez que, de mon côté, j’avais mis dans ma petite cervelle une passion imaginaire pour notre respectable patron Abul-Amet. Nous partîmes ensemble, moi pour suivre l’objet de mon fol amour, Timothée pour fuir vos rigueurs, qui le rendaient le plus malheureux des hommes. Peu à peu, le temps et l’absence calmèrent sa douleur ; mais la plaie n’a jamais été bien fermée, soyez-en sûre, madame ; et, s’il faut vous l’avouer, tout en demandant sa grâce, je tremble de l’obtenir ; car je ne songe pas sans effroi à l’impression que lui fera votre vue.

— Rassure-toi, ma chère fille, répondit la Gica tout à fait consolée, en embrassant sa filleule, tout en lui tendant une main miséricordieuse et amicale ; je me souviendrai qu’il est maintenant ton époux, et je te ménagerai son cœur, en lui montrant la sévérité que je dois avoir pour un amour insensé. La vertu que, grâce à la sainte Madone, j’ai toujours pratiquée, et la ten-