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thée en la quittant à quelque distance du palais, faites-moi savoir où vous allez, et comptez que j’irai vous y trouver.

— On m’enfermera peut-être, dit Mattea tristement.

— On sera bien malin si on m’empêche de me moquer des gardiens, reprit Timothée. Je ne suis pas connu de cette princesse Gica ; si je me présente à vous devant elle, n’ayez pas l’air de m’avoir jamais vu. Adieu, bon courage ! Gardez-vous de dire à votre marraine que vous n’êtes pas venue directement de votre demeure à la sienne. Nous nous reverrons bientôt.


VI

Au lieu d’aller souper chez son actrice, Timothée rentra chez lui et se mit à rêver. Lorsqu’il s’étendit sur son lit, aux premiers rayons du jour, pour prendre le peu d’instants de repos nécessaire à son organisation active, le plan de toute sa vie était déjà conçu et arrêté. Timothée n’était pas, comme Abul, un homme simple et candide, un héros de sincérité et de désintéressement. C’était un homme bien supérieur à lui dans un sens, et peu inférieur dans l’autre, car ses mensonges n’étaient jamais des perfidies, ses méfiances n’étaient jamais des injustices. Il avait toute l’habileté qu’il faut pour être un scélérat, moins l’envie et la volonté de l’être. Dans les occasions où sa finesse et sa prudence étaient nécessaires pour opérer contre des fripons, il leur montrait qu’on peut les surpasser dans leur art sans embrasser leur profession. Ses actions portaient toutes un caractère de profondeur, de prévoyance, de calcul et de persévérance. Il avait trompé bien souvent, mais il n’avait