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vous demande la grâce de partir avec nous sur votre brigantin, et d’aller s’établir dans votre atelier à Scio ; et moi, je vous demande la permission de l’emmener et d’en faire ma femme. C’est une fille qui s’entend au commerce et qui m’aidera dans la gestion de nos affaires.

— Il n’est pas besoin qu’elle soit utile à mes affaires, répondit gravement Abul ; il suffit qu’elle soit fiancée à mon serviteur fidèle pour que je devienne son hôte sincère et loyal. Tu peux emmener ta femme, Timothée ; je ne soulèverai jamais le coin de son voile ; et, quand je la trouverais dans mon hamac, je ne la toucherais pas.

— Je le sais, ô mon maître ! répondit le jeune Grec, et tu sais aussi que, le jour où tu me demanderas ma tête, je me mettrai à genoux pour te l’offrir ; car je te dois plus qu’à mon père, et ma vie t’appartient plus qu’à celui qui me l’a donnée. — Mademoiselle, dit-il à Mattea, vous avez bien fait de compter sur l’honneur de mon maître ; tous vos désirs seront remplis, et, si vous voulez me permettre de vous conduire chez votre marraine, je connaîtrai désormais en quel lieu je dois aller vous avertir et vous chercher au moment du départ de notre voile.

Mattea eût peut-être bien désiré une réponse un peu moins strictement obligeante de la part d’Abul, mais elle n’en fut pas moins touchée de sa loyauté. Elle en exprima sa reconnaissance à Timothée, bien qu’en regrettant tout bas qu’une parole tant soit peu affectueuse n’eût pas accompagné ses promesses de respect. Timothée la fit monter dans sa gondole, et la conduisit au palais de la princesse Veneranda. Elle était si confuse de cette démarche hardie, aveugle inspiration d’un premier mouvement d’effervescence, qu’elle n’osa dire un mot à son compagnon durant la route.

— Si l’on vous emmène à la campagne, lui dit Timo-