Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

quel repli caché de son cœur la volonté de partir à la première occasion.

Elle eût pu chercher dans les offres ou seulement dans les désirs naissants de quelque adorateur une garantie de protection et de salut ; mais Mattea, aussi chaste que son âge, n’y avait jamais pensé ; il y avait dans les regards avides que sa beauté attirait sur elle quelque chose d’insolent qui blessait son orgueil au lieu de le flatter, et qui l’augmentait dans un sens tout opposé à la puérile vanité des jeunes filles. Elle n’était occupée qu’à se créer un maintien froid et dédaigneux qui éloignât toute entreprise impertinente, et elle faisait si bien que nulle parole d’amour n’avait osé arriver jusqu’à son oreille, aucun billet jusqu’à la poche de son tablier.

Mais, comme elle agissait ainsi par disposition naturelle et non par suite des leçons emphatiques de sa mère, elle ne repoussait pas absolument l’espoir de trouver un cœur noble, une amitié solide et désintéressée, qui consentît à la sauver sans rien exiger d’elle, car, si elle ignorait bien des choses, elle en savait aussi beaucoup que les filles d’une condition médiocre apprennent de très-bonne heure.

Le cousin Checo étant stupide et insoutenable comme tous les maris tenus en réserve par la prévoyance des parents, Mattea s’était juré de se précipiter dans le Canalazzo plutôt que d’épouser cet homme ridicule, et c’était principalement pour se garantir de ses poursuites qu’elle avait déclaré le matin même à sa mère, dans un effort désespéré, que son cœur appartenait à un autre.

Mais cela n’était pas vrai. Quelquefois peut-être, Mattea, laissant errer ses yeux sur le calme et beau visage du marchand turc, dont le regard ne la recher-