Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/210

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et comment savez-vous que c’est du Turc et non pas du Grec que votre fille est amoureuse ?

— Parce qu’elle nous l’a dit elle-même ce matin. Ma femme, la voyant maigrir, devenir triste, indolente et distraite, avait pensé que c’était le désir d’être mariée qui la tourmentait ainsi, et nous avions décidé que nous ferions venir son prétendu sans lui rien dire. Ce matin, elle vint m’embrasser d’un air si chagrin et avec un visage si pâle, que je crus lui faire plaisir en lui annonçant la prochaine arrivée de Checo. Mais, au lieu de se réjouir, elle hocha la tête d’une manière qui fâcha ma femme, laquelle, il faut l’avouer, est un peu emportée, et traite quelquefois sa fille trop sévèrement.

» — Qu’est-ce à dire ? lui demanda-t-elle ; est-ce ainsi que l’on répond à son papa ?

» — Je n’ai rien répondu, dit la petite.

» — Vous avez fait pis, dit la mère, vous avez témoigné du dédain pour la volonté de vos parents.

» — Quelle volonté ? demanda Mattea.

» — La volonté que vous receviez bien Checo, répondit ma femme ; car vous savez qu’il doit être votre mari, et je n’entends pas que vous le tourmentiez de mille caprices, comme font les petites personnes d’aujourd’hui, qui meurent d’envie de se marier, et qui, pour jouer les précieuses, font perdre la tête à un pauvre fiancé par des fantaisies et des simagrées de toute sorte. Depuis quelque temps, vous êtes devenue fort bizarre et fort insupportable, je vous en avertis, etc., etc.

» Votre Excellence peut imaginer tout ce que dit ma femme ; elle a une si brave langue dans la bouche ! Cela finit par impatienter la petite, qui lui dit d’un air très-hautain :

» — Apprenez que Checo ne sera jamais mon mari,