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de quoi s’étonner et s’affliger. Mais, je vous le demande, comment a pu s’opérer un pareil sortilège ?

— Voilà ce qu’il m’est impossible de savoir. Seulement, s’il y a un charme jeté sur ma fille, je crois pouvoir en accuser un infâme serpent, appelé Timothée, Grec esclavon, qui est au service de ce Turc, et qui vient souvent avec lui dans ma maison pour servir d’interprète entre lui et moi ; car ces mahométans ont une tête de fer, et, depuis cinq ans qu’Abul vient à Venise, il ne parle pas plus chrétien que le premier jour. Ce n’est donc pas par les oreilles qu’il a séduit ma fille ; car il s’assied dans un coin et ne dit mot non plus qu’une pierre. Ce n’est pas par les yeux ; car il ne fait pas plus attention à elle que s’il ne l’eût pas encore aperçue. Il faut donc en effet, comme Votre Excellence le remarque et comme je l’avais déjà pensé, qu’il y ait une cause surnaturelle à cet amour-là ; car, de tous les hommes dont Mattea est entourée, ce damné est le dernier auquel une fille sage et prudente comme elle aurait dû songer. On dit que c’est un bel homme ; quant à moi, il me semble fort laid avec ses grands yeux de chouette et sa longue barbe noire.

— Mon cher monsieur, interrompit la princesse, il y a du sortilège là dedans. Avez-vous surpris quelque intelligence entre votre fille et ce Grec Timothée ?

— Certainement. Il est si bavard, qu’il parle même avec Tisbé, la chienne de ma femme, et il adresse très-souvent la parole à ma fille pour lui dire des riens, des âneries qui la feraient bâiller dites par un autre, mais qu’elle accueille fort bien de la part de Timothée ; c’est au point que nous avons cru d’abord qu’elle était amoureuse du Grec, et comme c’est un homme de rien, nous en étions fâchés. Hélas ! ce qui lui arrive est bien pis !