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Un jour, Lavallée, en sortant de chez Laurence, rencontra Mongenays, qui, pour la dixième fois, venait de se faire refuser la porte. Il était outré, et, perdant toute mesure, il accabla le vieux comédien de reproches et de menaces. Celui-ci se contenta d’abord de hausser les épaules ; mais, quand il entendit Montgenays étendre ses accusations jusqu’à Laurence, et, se plaignant d’avoir été joué, éclater en menaces de vengeance, Lavallée, homme de droiture et de bonté, ne put contenir son indignation. Il le traita comme un misérable, et termina en lui disant :

— Je regrette en cet instant plus que jamais d’être vieux ; il semble que les cheveux blancs soient un prétexte pour empêcher qu’on ne se batte, et vous croiriez que j’abuse du privilège pour vous outrager sans conséquence ; mais j’avoue que, si j’avais vingt ans de moins, je vous donnerais des soufflets.

— La menace suffît pour être une lâcheté, répondit Montgenays pâle de fureur, et je vous renvoie l’outrage. Si j’avais vingt ans de plus, en fait de soufflets j’aurais l’initiative.

— Eh bien, s’écria Lavallée, prenez garde de me pousser à bout ; car je pourrais bien me mettre au-dessus de tout remords comme de toute honte en vous faisant un outrage public, si vous vous permettiez la moindre méchanceté contre une personne dont l’honneur m’est beaucoup plus cher que le mien.

Montgenays, rentré chez lui et revenu de sa colère, pensa avec raison que toute vengeance qui aurait du retentissement tournerait contre lui ; et, après avoir bien cherché, il en inventa une plus odieuse que toutes les autres : ce fut de renouer à tout prix son intrigue avec Pauline, afin de la détacher de Laurence. Il ne voulut pas être humilié par deux défaites à la fois. Il pensa