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Montgenays, tout homme du monde qu’il était, eut la sottise de s’y tromper ; et, au moment où il crut avoir enfin éveillé la colère et la jalousie de Laurence, il risqua le coup de théâtre qu’il avait longtemps médité, lui avoua que son amour pour Pauline n’était qu’une feinte vis-à-vis de lui-même, un effort désespéré, inutile peut-être pour s’étourdir sur un chagrin profond, pour se guérir d’une passion malheureuse… Un regard accablant de Laurence l’arrêta au moment où il allait se perdre et sauver Pauline. Il pensa que le moment n’était pas venu encore, et réserva son grand effet pour une crise plus favorable. Pressé par les sévères questions de Laurence, il se retourna de mille manières, inventa un roman tout en réticences, protesta qu’il ne se croyait pas aimé de Pauline, et se retira sans promettre de l’aimer sérieusement, sans consentir à la détromper, sans rassurer l’amitié de Laurence, et sans pourtant lui donner le droit de le condamner.

Si Montgenays était assez maladroit pour faire une chose hasardée, il était assez habile pour la réparer. Il était de ces esprits tortueux et puérils qui, de combinaison en combinaison, marchent péniblement et savamment vers un fiasco misérable. Il sut durant plusieurs semaines tenir Laurence dans une complète incertitude. Elle ne l’avait jamais soupçonné fat et ne pouvait se résoudre à le croire lâche. Elle voyait l’amour et la souffrance de Pauline, et désirait tellement son bonheur, qu’elle n’osait pas la préserver du danger en éloignant Montgenays.

— Non, il ne m’adressait pas une impudente insinuation, disait-elle à sa mère, lorsqu’il m’a dit qu’un amour malheureux le tenait dans l’incertitude. J’ai cru un instant qu’il avait cette pensée, mais cela serait trop odieux. Je le crois homme d’honneur. Il m’a toujours