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fiées, tant d’hommes ont mis la main à l’édifice, tant d’intelligences, de passions et de vertus y ont apporté leurs trésors, leurs erreurs ou leurs lumières, que mille doctrines se trouvent à la fin contenues dans une seule, et mille natures diverses y peuvent puiser l’excuse ou le stimulant qui leur convient. C’est par là que ces religions s’élèvent, c’est aussi par là qu’elles s’écroulent.

Pauline n’était pas douée des instincts de douceur, d’amour et d’humilité qui caractérisent les natures vraiment évangéliques. Elle était si peu portée à l’abnégation, qu’elle s’était toujours trouvée malheureuse, immolée qu’elle était à ses devoirs. Elle avait besoin de sa propre estime, et peut-être aussi de celle d’autrui, bien plus que de l’amour de Dieu et du bonheur du prochain. Tandis que Laurence^ moins forte et moins orgueilleuse, se consolait de toute privation et de tout sacrifice en voyant sourire sa mère, Pauline reprochait à la sienne, malgré elle et dans le fond de son cœur, cette longue satisfaction conquise à ses dépens. Ce ne fut donc pas un sentiment d’austérité religieuse qui la fit hésiter à accepter l’offre de son amie, ce fut la crainte de n’être pas assez dignement placée auprès d’elle.

D’abord Laurence ne la comprit pas, et crut que la peur d’être blâmée par les esprits rigides la retenait encore. Mais ce n’était pas là non plus le motif de Pauline. L’opinion avait changé autour d’elle ; l’amitié de la grande actrice n’était plus une honte, c’était un honneur. Il y avait désormais une sorte de gloire à se vanter de son attention et de son souvenir. La nouvelle apparition qu’elle fit à Saint-Front fut un triomphe bien supérieur au premier. Elle fut obligée de se défendre des hommages importuns que chacun aspirait à lui