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La servante épouvantée la crut folle et voulut s’enfuir ; mais la jeune femme, l’arrêtant :

— Oh ! par grâce, restez, dit-elle, et parlez-moi ! Comment se fait-il que je sois ici ? Dites-moi si je rêve ! Si je rêve, éveillez-moi !

— Mais, madame, vous ne rêvez pas, ni moi non plus, je pense, répondit la servante. Vous vouliez donc aller à Lyon ? Eh bien, mon Dieu, vous aurez oublié de l’expliquer au postillon, et, tout naturellement, il aura cru que vous alliez à Paris. Dans ce temps-ci, toutes les voitures de poste vont à Paris.

— Mais je lui ai dit moi-même que j’allais à Lyon.

— Ah ! dame ! c’est que Baptiste est sourd à ne pas entendre le canon, et avec cela qu’il dort sur son cheval la moitié du temps, et que ses bêtes sont accoutumées à la route de Paris dans ce temps-ci…

— À Saint-Front ! répétait l’étrangère. Oh ! singulière destinée qui me ramène aux lieux que je voulais fuir ! J’ai fait un détour pour ne point passer ici, et, parce que je me suis endormie deux heures, le hasard m’y conduit à mon insu ! Eh bien, c’est Dieu peut-être qui le veut. Sachons ce que je dois retrouver ici de joie ou de douleur. Dites-moi, ma chère, ajouta-t-elle en s’adressant à la fille d’auberge, connaissez-vous dans cette ville mademoiselle Pauline D… ?

— Je n’y connais personne, madame, répondit la fille ; je ne suis dans ce pays que depuis huit jours.

— Mais allez me chercher une autre servante, quelqu’un ! je veux le savoir. Puisque je suis ici, je veux tout savoir. Est-elle mariée ? est-elle morte ? Allez, allez, informez-vous de cela ; courez donc !

La servante objecta que toutes les servantes étaient couchées, que le garçon d’écurie et les postillons ne connaissaient au monde que leurs chevaux. Une