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de vous avoir méconnue, et mon premier devoir, c’est de revenir à vous. Oh ! parlez, Lavinia, rendez-moi le bonheur que j’ai perdu en vous perdant. Aujourd’hui, je saurai l’apprécier et le conserver, car, moi aussi, j’ai changé : je ne suis plus cet homme ambitieux et inquiet qu’un avenir inconnu torturait de ses menteuses promesses. Je sais la vie aujourd’hui, je sais ce que vaut le monde et son faux éclat. Je sais que pas un de mes triomphes n’a valu un seul de vos regards, et la chimère du bonheur que j’ai poursuivie m’a toujours fui jusqu’au jour où elle me ramène à vous. Oh ! Lavinia, reviens à moi aussi ! Qui t’aimera comme moi ? qui verra comme moi ce qu’il y a de grandeur, de patience et de miséricorde dans ton âme ?

Lavinia gardait le silence, mais son cœur battait avec une violence dont s’apercevait Lionel. Sa main tremblait dans la sienne, et elle ne cherchait pas à la retirer, non plus qu’une tresse de ses cheveux que le vent avait détachée et que Lionel couvrait de baisers. Ils ne sentaient pas la pluie qui tombait en gouttes larges et rares. Le vent avait diminué, le ciel s’éclaircissait un peu, et le comte de Morangy venait à eux aussi vite que pouvait le lui permettre son cheval déferré et boiteux, qui avait failli le tuer en tombant contre un rocher.

Lavinia l’aperçut enfin et s’arracha brusquement aux transports de Lionel. Celui-ci furieux de ce contre-temps, mais plein d’espérance et d’amour, l’aida à se remettre à cheval, et l’accompagna jusqu’à la porte de sa maison. Là, elle lui dit en baissant la voix :

— Lionel, vous m’avez fait des offres dont je sens tout le prix. Je n’y peux répondre sans y avoir mûrement réfléchi…

— Oh ! Dieu ! c’est la même réponse qu’à M. de Morangy !