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donnera, je l’ai tant prié ! Mais ma fin est endolorie, épouvantée par la crainte de ton avenir. Pauvre enfant qui as hérité de ma sensibilité et de mon manque de charmes, pourras-tu garder ton âme tranquille et tout entière à Dieu ?

» Je voulus promettre à ma pauvre mère de me faire religieuse. Ce n’était pas alors précisément mon goût. Je n’aimais pas le bruit, il est vrai, et je n’aspirais pas à un monde que je ne connaissais pas ; mais j’aimais la vie de campagne et la liberté. Cependant, j’eusse engagé tout mon avenir sur un mot, pour adoucir les dernières heures de ma mère bien-aimée. C’était là mon unique devoir.

» Ma sainte mère repoussa mon vœu.

» — Non, non, dit-elle, point de promesses à moi, ni à toi-même, je te le défends.

» Et, comme j’insistais sur ce qu’elle m’avait dit des souffrances et des aveuglements inséparables des affections humaines trop exclusives, elle ajouta :

» — Je te défends de prendre le voile, si tu dois le prendre, avant l’âge de trente ans. Pour se soustraire aux devoirs de la famille, il faut une vraie vocation, et tu ne l’as pas maintenant.

» Nous revînmes plusieurs fois sur ce sujet dans ses moments de calme. Dans ces moments-là, l’espoir de la conserver me donnait le courage de lui parler de moi-