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plaira de les appeler, entretient une intrigue au dehors. Un homme que nous connaissons, Narcisse et moi, et qui n’est que trop connu dans le pays, vient apporter, le soir, des billets doux dans le chèvrefeuille de la palissade, et causer ensuite secrètement, le matin, avec une de vos recluses. Et, comme cet homme passe par-dessus ou par-dessous nos murs, qu’il marche sur nos plates-bandes, écrase nos giroflées, et, d’ailleurs, nous gêne considérablement par sa présence, vu que nous ne faisons pas de lui un cas énorme, je pense que le mieux est, pour nous, de vous avertir de ce petit scandale ; pour vous, de le faire cesser en murant brusquement portes et fenêtres sur ce terrain, que nous nous chargerons d’ailleurs de bien garder, si vous consentez à nous le vendre.

Mademoiselle d’Estorade était devenue pâle comme un lis ; un moment, je crus qu’elle allait s’évanouir, et Narcisse, souffrant de sa détresse, m’adressa, au lieu d’un regard d’admiration pour ma diplomatie, un regard de reproche pour ma cruauté.

Cependant, la pauvre fille surmonta ce moment de faiblesse, et, me regardant jusque dans l’âme, d’un air de pénétration extraordinaire :

— Qui a vu ce que vous dites là, monsieur ? me demanda-t-elle d’une voix brève et comme étouffée.

— Moi, madame, répondis-je avec assurance.