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docteur partit en nous recommandant de maintenir autour d’elle et en elle, autant que possible, un état de calme absolu.

Ce calme fut maintenu religieusement, et, lorsque Juliette essaya de nous parler de son mariage, Narcisse fut le premier à lui dire qu’il lui était permis d’être adorée, mais non pas de se donner même la peine d’aimer ; à plus forte raison celle de songer à quoi que ce soit qui fût un acte de volonté, ou un sujet de réflexion.

— À la bonne heure, lui répondit-elle avec tendresse ; je veux bien dormir toujours, mais vous ne me commandez pas absolument d’être morte. Dites-moi donc que vous m’aimez ; car je sens que c’est là ce qui me fait vivre.

Trois jours s’écoulèrent ainsi. Il nous semblait voir arriver la guérison ; mais le docteur, avec lequel je m’en retournais à la ville, me dit en confidence qu’il n’était pas content.

— Les forces auraient dû revenir un peu, me dit-il, et, au contraire, elles ont décliné. Vous ne vous en apercevez pas, vous autres, parce qu’elle s’appuie légèrement sur votre bras pour gagner son fauteuil, et que sa figure a des moments de coloration trompeuse. Mais le pouls ne ment pas, lui ! C’est pour moi le révélateur indiscret des ravages que le dévouement et la volonté réussissent à vous cacher. Je suis persuadé maintenant que