Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tablir l’autorité d’un mensonge, rien de si difficile ensuite à déraciner. Même chez moi, où l’on était aussi peu petite ville que possible, on se récria, et il fallut l’affirmation du curé pour que l’on voulût croire à l’indépendance absolue de mademoiselle d’Estorade.

L’étonnement passé, on approuva vivement cette union, mais sans se dissimuler qu’elle serait fort critiquée par les bourgeois de la Faille-sur-Gouvre. Les uns blâmeraient Narcisse d’épouser pour sa fortune une vieille fille adonnée aux momeries de la dévotion. Les autres blâmeraient Juliette d’oublier son rang jusqu’à descendre à porter un nom qu’on lisait encore sur l’enseigne d’un estaminet. Dès lors elle descendait, de la première société de l’endroit, à la troisième tout au plus !

D’autres ne devaient pas manquer de dire pis. Albany n’était probablement pas le seul qui eût fait ses commentaires sur la naissance de Sylvie. Nous devions nous attendre à tout cela et ne pas nous en préoccuper.

On s’était à peine remis chez moi de l’émotion causée par cette déclaration, que le docteur nous en apporta une moins agréable. Juliette était malade. Elle avait été prise, dans la nuit, d’un violent accès de fièvre. On n’avait appelé le docteur que dans la soirée, ce dont il était fort mécontent. En voyant entrer Narcisse, il se hâta de dire que ce n’était qu’une courbature ; mais il me prit à part pour m’avouer qu’il était inquiet, et qu’il attendait un se-