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que sa tristesse passera tout d’un coup. Je le connais bien aussi, lui, peut-être ! Depuis si longtemps ! Je sais bien qu’il se défie toujours de lui-même, mais qu’il ne se méfiera jamais de ma loyauté. Allez, allez, vous dis-je ; je suis une âme active, mais je suis un caractère indolent et irrésolu quand il s’agit de moi. Ne me laissez pas temporiser, cela pourrait durer encore dix ans. Ma parole est donnée à Dieu ; prenez-la vite, et portez-la à ce brave cœur. S’il trouve que j’ai trop tardé, il me pardonnera, et, s’il trouve aussi le délai trop long, ou ma retraite au couvent trop pénible pour lui… eh bien, dites-lui que je ferai ce qu’il voudra ; car je n’ai plus qu’une pensée, qu’un espoir dans la vie, pour mon compte, c’est de le rendre heureux.

Juliette parlait avec l’autorité de l’inspiration. Toutes les objections qui m’étaient venues à l’esprit dans la soirée s’évanouirent comme des songes devant la confiance qu’elle montrait dans sa destinée, et aussi, je dois le dire, devant celle qu’éprouvait ma femme. Je courus retrouver Narcisse. J’étais fort ému de la nouvelle que je lui apportais, d’autant plus qu’il me parut encore plus accablé qu’il ne l’était quand je l’avais quitté. Je crus donc devoir l’interroger d’abord sur cette soudaine désespérance qui s’était emparée de lui.

— Il n’y a rien de soudain là-dedans, répondit-il. J’ai du chagrin depuis quatre jours. Je le surmonte et je l’ou-