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dévouement sont rares. Je ne me sentais plus triste et seul dans ce pays inconnu. J’avais un ami.

Nous convînmes de nos faits. Il s’agissait pour moi de passer quelques jours dans la ville, de m’éloigner ensuite pour parcourir tous les environs, de revenir mettre mon travail en ordre, enfin, de rester, au besoin, quelques semaines dans ce pays, et de n’éveiller les soupçons d’aucun habitant sur le but de mon séjour et de mes courses.

Quelque chose que je fisse, je devais certainement devenir vite un objet de curiosité, peut-être d’inquiétude ; mais, cela étant inévitable, je ne pouvais que donner le change en me posant en voyageur naturaliste, en me liant avec très-peu de personnes, et en usant, s’il le fallait absolument, de quelque dissimulation. Ma conscience ne s’en alarmait pas : j’avais un but honorable et utile. Le plus embarrassant, c’était de ne pas étaler aux regards un certain matériel d’instruments qui devait m’être expédié de Paris pour mes expériences.

— Vous serez mal à l’hôtel, me dit mon nouvel ami. Vous pouvez louer dans une maison particulière ; mais ce sera annoncer que vous voulez séjourner, et la curiosité vous assiégera. Tenez, voici ce que je vous propose : Louez une chambre pour la nuit à l’auberge, et venez passer ici vos journées de travail sédentaire. Je vous abandonne la jouissance exclusive de ce jardin,