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bien secrète et bien délicate. Mais je vous aime tant, vous !… et je suis sûr de vous ; je vas vous confier ça !

» Il y avait aux Sœurs bleues une petite fille de sept ans, jolie comme un bijou, et douce et aimable, que mademoiselle d’Estorade préférait à toutes les autres élèves. Elle ne le faisait guère paraître devant elles, crainte de les rendre jalouses ; mais cette petite, qui a nom Sylvie, couchait toujours auprès d’elle et ne sortait jamais en ville. C’était, disait-elle, une enfant de l’hospice qui avait été confiée à une paysanne d’Estorade pour la nourrir. Elle l’avait remarquée là, par hasard, comme un bel enfant, et ensuite comme une petite mignonne plus proprette et d’un plus joli babil que tous les autres de la paroisse. Elle l’avait donc prise en amitié, et, dès que cette fillette avait eu cinq ans, elle l’avait emmenée à son couvent pour en avoir soin et l’instruire elle-même. La petite l’adorait, et on peut dire que mademoiselle d’Estorade chérissait cette enfant comme si elle eût été son propre sang. Personne n’avait jamais pensé à s’en étonner dans le couvent. Il était tout naturel qu’au milieu de tant d’enfants plus ou moins terribles, mademoiselle d’Estorade se fût attachée à la plus abandonnée. Elle l’avait toujours à son côté, et, quand elle allait à Estorade, elle l’emmenait presque toujours pour lui faire embrasser sa nourrice, et pour la promener au soleil dans la montagne.