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là-dessus. C’est toute une histoire surprenante à vous raconter. M’écoutez-vous bien ?

— De toutes mes oreilles.

— Figurez-vous qu’après votre départ, tout de suite après (on aurait dit qu’elle attendait ça pour se décider ou s’enhardir), la belle Julia, au lieu de suivre la troupe de comédiens qui s’en allait, dit bonsoir à la compagnie et s’en vint trouver mademoiselle d’Estorade à son couvent, en lui déclarant qu’elle voulait se retirer du mal et entrer en religion. Mademoiselle d’Estorade se méfia un peu d’une si belle résolution et lui dit qu’avant d’entrer dans une maison régulière, consacrée à l’éducation chrétienne des enfants, il fallait avoir fait preuve de bonne conduite, et réparer ses vieux péchés par des années de pénitence. Elle lui conseilla d’aller se mettre en apprentissage de mortification chez les sœurs de l’hospice, ou de consulter quelque prêtre de mérite, pour que l’on pût reconnaître si sa vocation n’était pas un caprice. Julia se soumit ; mais les sœurs de l’hospice firent la grimace à l’idée de s’exposer aux rechutes d’une fille qui avait fait beaucoup de scandale dans l’endroit, et le curé de Morsaint, que mademoiselle d’Estorade considère comme un homme plus éclairé que les autres prêtres du pays, ayant questionné notre chanteuse, ne sut dire ni oui ni non sur son compte. Il voulait qu’elle se rendît auprès de l’évêque du diocèse, qui déciderait de son admission dans un cou-