Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut invoquer le droit inaliénable et retourner au monde, à la société, à la famille.

» Pour moi qui n’avais pas pris d’engagements, même temporaires, je n’avais aucun sujet de m’exalter, et vous avez vu que mon caractère et mes habitudes d’esprit ne m’y portaient pas. Je n’éprouvais aucun ennui : je n’en avais pas le temps. Ce n’est donc pas un besoin d’aimer une personne infortunée plus qu’une autre qui m’intéressait à Albany. Mais, dans ce hasard qui nous avait rapprochés, et dans cette confiance que j’avais peut-être acquis le droit d’avoir en moi-même, je n’ai pas songé à me défendre d’un certain attrait que son éloquence, son esprit et ses talents m’avaient inspiré. Je faisais plus de cas d’une âme si bien douée que de celle du premier venu, et, si j’avais pu la ramener de ses erreurs et la rendre à Dieu et à ses devoirs, j’aurais été contente et un peu glorieuse peut-être.

» J’eus donc quelque tristesse de le voir retombé si bas, car le docteur Fourchois, en m’apprenant ses nouveaux succès sur le petit théâtre de notre ville, m’apprit qu’il était plus que jamais livré au désordre et à la folie ; qu’il passait sa vie à jouer et à se moquer de tout ; enfin, qu’il vivait maritalement avec une actrice sans l’aimer, sans la protéger et sans s’abstenir d’autres intrigues plus fâcheuses encore. Tout cela me fit du mal et me causa une grande honte. Je rougissais d’avoir cru à quel-