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qu’il n’était nécessaire, surtout envers moi, dont le devoir est d’agir comme je fais, et qui ne lui avais témoigné rien de particulier dans mon intérêt pour sa détresse. Il fut plus expansif et plus affectueux que je ne l’avais connu autrefois. Son esprit avait beaucoup gagné, et, bien qu’il n’eût pas dû voir toujours très-bonne compagnie dans sa vie errante, ses bonnes manières n’avaient rien perdu. Assez pauvrement habillé et les traits ravagés par la fièvre, il était toujours, ou du moins je croyais retrouver en lui l’élégant rêveur et le beau mélancolique d’autrefois.

» Il me remercia avec une certaine effusion ; il avait vu de près une mort affreuse, la mort au sein de la misère et de l’abandon. Sa fierté était ébranlée. Il écouta mes remontrances, me jura d’aller implorer le pardon de son père, et me demanda la permission de m’écrire pour me faire part et me bénir encore du bonheur que, grâce à moi, disait-il, il allait enfin trouver dans l’accomplissement de ses devoirs et la tendresse de sa famille. Il voulait aussi, dès qu’il serait chez lui, me renvoyer l’argent que je lui prêtais. Je dus y consentir pour ne pas froisser sa délicatesse.

» Au bout d’un mois, je reçus de lui une lettre datée de Toulouse. Il avait été forcé, disait-il, d’y aller chanter pour satisfaire à une dette d’honneur qu’il n’avait pas voulu m’avouer, dans la crainte que je voulusse ne la payer.