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quelque détournement, c’est sur moi seul qu’il doit tomber.

Le maire affirma que personne n’avait de soupçons, l’avocat s’excusa de la parole qu’il avait dite, et le magistrat de la ville déclara qu’il s’en rapporterait à la sincérité du supérieur. Il reçut la somme, qui était de onze mille francs et qui devait être restituée à l’État. Il en donna quittance et il engagea le supérieur à faire valoir ses droits à la pension promise.

— Je ne ferai rien valoir et je ne veux pas de pension, répondit-il ; j’ai une famille aisée qui me recevra fort bien et me restituera même ma part de patrimoine, puisque je ne suis plus légalement dans les ordres.

L’acquéreur, le voyant si désintéressé et si soumis à la loi, le pria de ne pas se croire expulsé brutalement par lui, et il l’engagea à rester plusieurs jours et davantage s’il le désirait. Le supérieur remercia et dit qu’il était prêt à partir depuis longtemps.

Alors on s’occupa du pauvre petit frère, qui était là sans un sou vaillant et avec l’habit qu’il avait sur le corps.

— Et vous, monsieur, lui dit le magistrat de la ville, a-t-on avisé à votre existence ?

— Je l’ignore, répondit le petit frère.

— Qui donc êtes-vous ?

— Émilien de Franqueville.

— Alors… nous n’avons point à nous inquiéter de vous ; votre famille est des plus riches de la province et vous allez la rejoindre ?

— Mais, dit Émilien avec un peu d’embarras, je n’ai reçu d’elle aucun ordre et je ne sais pas où elle est.