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à entendre qu’on ne les garderait pas longtemps, parce qu’il arriverait malheur à ceux qui tremperaient dans le sacrilège, il n’y eut que bien peu de croyants à son dire. D’ailleurs, le père Fructueux lui imposait silence, il voulait respecter la loi malgré le chagrin qu’il en avait. Pour moi, je pus acheter ma maison pour trente-trois francs et je me trouvai encore à même de rendre la cotisation qui avait été faite pour moi à la fête de la Fédération, en priant le maire de la donner aux pauvres. Je me tenais pour riche, puisque je me voyais propriétaire et qu’il me restait encore quinze francs, la restitution faite.

La seule chose qu’aucun de nous ne pouvait songer à acheter, c’était le moutier, avec ses grands bâtiments et les terres de_ _réserve qui, étant de première qualité, eussent monté trop haut pour nos petites bourses. On pensait donc que les moines y resteraient longtemps sinon toujours, lorsque, dans le courant du mois de mai, un monsieur se présenta assisté du maire et d’un magistrat de la ville, et, montrant des papiers qui prouvaient qu’il était acquéreur du moutier et de ses dépendances, il fit sommer par huissier la communauté de lui céder la place.

Sans doute, les trois moines qui avaient élu le père Fructueux pour leur supérieur avaient fini par comprendre qu’il n’empêcherait rien. Ils avaient pris leurs précautions pour trouver un gîte ailleurs, car ils n’attendirent pas la sommation, et, quand le nouvel acquéreur entra dans le moutier, il n’y trouva que le supérieur tout seul, qui comptait de l’argent et écrivait sur un registre.

Émilien, qui était présent à l’entrevue, car le père