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ménager, ce serait lâche ! Viens avec moi chez le maire, tu témoigneras de la vérité. Il faut que le magistrat somme les moines de délivrer ce malheureux.

Ce ne fut pas aussi facile qu’il se l’imaginait. Le maire était un bien brave homme, mais pas trop hardi. Il avait gagné du bien en affermant la meilleure métairie des moines, et il ne savait plus trop s’ils ne redeviendraient pas les maîtres. Il disait bien que l’économe était le seul bon de la communauté et qu’elle aurait dû le nommer supérieur ; mais il ne voulait pas croire que les frères eussent l’intention de le laisser mourir en prison.

Heureusement, d’autres municipaux arrivèrent et Émilien leur parla très vivement. Il leur rappela que la loi rompait les vœux et décrétait la liberté des religieux. Le devoir de la municipalité était de faire respecter la loi, il n’y avait pas à aller contre. Si celle de Valcreux s’y refusait, il partirait sur l’heure pour la ville où il trouverait bien des magistrats plus courageux et plus humains.

Je fus toute contente de voir le feu qu’il y mettait, et, par prières et caresses, je plaidai aussi auprès du maire, qui m’aimait beaucoup et me questionnait sur le cachot du moine, sachant bien que je ne dirais que la vérité.

— Allons, allons, dit-il, il nous faut marcher, nous autres vieux, devant le commandement de deux enfants ! C’est drôle tout de même, mais on vit dans le temps des changements : nous l’avons voulu, il faut en supporter la conséquence.

— Vous voyez, lui dit Émilien, que nous sommes venus à vous avec tout le respect qui vous est dû et