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y aurait quelque chose, car ils y travaillaient depuis trois jours, et on voyait comme un grand tas de bourrées coupées avec leur feuillage, qui cachait quelque chose. Quand on apporta le vin, on fit feu de dix à douze fusils qu’on avait dans la commune, et, les bons gars abattant les fagots et les branches, on vit une manière d’autel en gazon, avec une croix au faîte, mais formée d’épis de blé bien agencés en tresses. Au-dessous, il y avait des fleurs et des fruits les plus beaux qu’on avait pu trouver ; le petit frère ne s’était pas fait faute d’en prendre aux parterres et aux espaliers des moines. Il y avait aussi des légumes rares de la même provenance, et puis des produits plus communs, des gerbes de sarrasin, des branches de châtaigniers avec leurs fruits tout jeunes, et puis des branches de prunellier, de senellier, de mûrier sauvage, de tout ce que la terre donne sans culture aux petits paysans et aux petits oiseaux. Et enfin, au bas de l’autel de gazon, ils avaient placé une charrue, une bêche, une pioche, une faucille, une faux, une cognée, une roue de char, des chaînes, des cordes, des jougs, des fers de cheval, des harnais, un râteau, une sarcloire, et finalement une paire de poulets, un agneau de l’année, un couple de pigeons, et plusieurs nids de grives, fauvettes et moineaux avec les œufs ou les petits dedans.

C’était là, me dira-t-on, un trophée bien rustique ; mais il était si bien arrangé, avec de la mousse verte, des fleurs et des grandes herbes de rivière ornant et encadrant chaque objet, que cela nous fit un grand effet et me sembla, pour ma part, la chose la plus magnifique que j’eusse vue de ma vie. À présent que je suis vieille, je n’en ris point. Il faut au paysan, qui