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tous enfants de la même patrie. Il en paraissait heureux comme jamais je ne l’avais vu et sa joie passa dans mon cœur, malgré le peu de connaissance que j’avais encore pour juger un si grand événement.

La fête fut très étonnante dans notre paroisse sauvage, perdue au fond des montagnes. D’abord on ne disait déjà plus _la paroisse, _on disait _la commune _depuis qu’on n’était plus aux moines et qu’on avait nommé des municipaux. Les moines regardaient faire, et, soit bêtise, soit malice, on n’a jamais bien su lequel, ils se disaient contents de tout ce qui arrivait. Il y en avait deux jeunes, pas si jeunes que le petit frère, car ils avaient prononcé leurs vœux, qui paraissaient s’ennuyer beaucoup de leur état et qui souhaitaient de s’en retirer depuis qu’ils savaient qu’ils le pouvaient. Le jour de la fête, ils décidèrent les vieux à ouvrir les portes du moutier à la municipalité et aux habitants, pour qu’on pût fêter la Fédération dans un grand local avec des abris en cas d’orage. Les vieux y consentirent, pensant que, s’ils refusaient, on pourrait faire quelque bruit et se tourner contre eux. Une messe fut donc dite par eux pour demander à Dieu de bénir l’union de la France, et ils offrirent même de contribuer, selon leur pouvoir, au banquet qui s’organisait sur la place. Pauvre banquet ! où l’on mangea du pain au dessert comme chez les riches on mange du gâteau. Chacun apporta sa bouillie de farine et ses légumes. On s’était cotisé pour avoir un peu de vin qu’on but après l’eau et le cidre de prunelle. Mais, dans ce moment-là, on démasqua la surprise que le petit frère, aidé de mon cousin Jacques et des autres bons gars de l’endroit, avait préparée. On savait bien qu’il