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Il faisait un temps magnifique. Le ciel était plein de belles étoiles, l’air sentait bon, et nous avions beau écouter, on n’entendait pas le moindre bruit de bon ou de mauvais augure. Dans toutes les maisons éparses le long du ravin et presque toutes isolées, on avait fait comme nous ; on avait fermé les portes, éteint les feux, et on s’y parlait à_ _voix basse. Il n’était que neuf heures et tout était muet comme en pleine nuit. Cependant personne ne dormait cette nuit-là, on était comme hébété par la crainte, on n’osait pas respirer. Le souvenir de cette panique est resté dans nos campagnes comme ce qui a le plus marqué pour nous dans la révolution. On l’appelle encore l’_année de la grand’peur._

Rien ne remuait dans les grands châtaigniers qui nous enveloppaient de leur ombre_. _Cette tranquillité du dehors passa en nous, et, à demi-voix, nous nous mîmes à babiller. Nous ne songions pas à avoir faim, mais le sommeil nous gagnait. Pierre s’étendit par terre, devisa quelque peu sur les étoiles, m’apprit qu’elles n’étaient pas à la même place aux mêmes heures durant le cours de l’année et finit par s’endormir profondément.

Je me fis conscience de le réveiller. Je comptais bien faire le guet toute seule, mais je ne pense pas en être venue à bout plus d’un moment.

Je fus réveillée par un pied qui me heurtait dans l’ombre, et, ouvrant les yeux, je vis comme un fantôme gris qui se penchait sur moi. Je n’eus guère le temps d’avoir peur, la voix du fantôme me rassura, c’était celle du petit frère.

— Que fais-tu donc là, Nanon ? me disait-il ; pourquoi