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le surprendre n’était point son état normal, et ce n’était pas non plus celui d’un homme en santé. J’obtins qu’il mangerait et dormirait aussi régulièrement que la chose serait compatible avec la hâte et l’urgence de sa profession. Il me jura, en pressant mes mains dans les siennes, qu’il écarterait les idées de suicide comme indigne d’un bon fils et d’un honnête homme. Enfin, je le ramenai à sa mère, très attendri, par conséquent à moitié soumis à sa destinée.

Pauvre Costejoux ! elle ne fut pas toujours heureuse. Louise pleura beaucoup devant les reproches d’Émilien. Elle eût voulu écrire, pour exprimer tous les combats de son cœur et marquer ses regrets, sa reconnaissance. Elle ne savait presque pas écrire, elle eût voulu parler elle-même ; mais elle n’osa revenir sur ses pas et ne put vaincre ses préjugés. Elle chargea son frère de redire tout ce qu’elle lui disait. Costejoux ne comptait point sur son retour. Il surmonta son chagrin, renferma son mécontentement et montra, à la fête champêtre de notre mariage qui eut lieu au moutier, une gaieté charmante et une grande bonté avec tout le monde.

Il était ou semblait guéri ; mais Louise s’ennuya de la misère, de la violence et peut-être aussi de la nullité de ceux à qui elle avait demandé asile.

Un beau jour, elle revint tomber aux pieds de madame Costejoux, et peu de semaines après elle épousa notre ami.

Ils ont vécu dans un accord apparent et sans avoir de graves reproches mutuels à se faire. Mais leurs cœurs ne s’entendirent et ne se confondirent qu’à la longue. Ils avaient chacun une religion, elle le