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ce bras sans souffrir, je me trouverais contente d’avoir à vous servir un peu plus que par le passé.

— J’étais sûr de cela, Nanon ! Je me suis dit cela pendant l’opération ; elle sera contente de me servir ! Mais ne crois pas que je te laisserai travailler pour deux. Je trouverai quelque métier sédentaire, je ferai des écritures, je deviendrai habile de ma main gauche, j’aurai peut-être une petite pension, plus tard, quand on pourra !

— Vous n’avez pas besoin de cela, lui dit Dumont en clignant de l’œil ; vous tiendrez les comptes de votre exploitation, vous surveillerez vos travaux, vous compterez vos gerbes… et vos revenus !

— Et si je ne puis manier la bêche ou la fourche, tu m’aideras à mettre les sacs et autres fardeaux sur mes épaules, car je suis endurci à la fatigue, et dix fois plus fort que je ne l’étais. Ah çà ! vos affaires vont très bien ici, à présent ? Le moutier fait plaisir à voir. Il faut que M. Costejoux y ait fait de la dépense. Est-ce qu’il compte y demeurer ?

— Non, lui dis-je, c’est pour vous que j’ai pris soin de la maison et du domaine, car domaine et maison sont à vous.

— À moi ? dit-il en riant. Comment cela se peut-il faire ?

Dumont lui apprit la vérité à laquelle, sauf le bon souvenir du prieur, il ne fut pas aussi sensible que Dumont l’aurait voulu, car Dumont était plus content de lui dire notre richesse que lui de l’apprendre. Moi, cela ne m’étonnait pas. Je savais que son désintéressement était une vertu passée presque à l’état de défaut, mais je l’aimais ainsi, et je savais que peu à peu il apprécierait les avantages de la