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était celle d’Émilien, on voyait le cimetière. J’y allai, je regardai. Je vis près de l’entrée une tombe toute fraîche avec une croix de bois blanc sur laquelle ou n’avait rien écrit et dans les branches de laquelle était passée une grosse couronne de feuillage flétrie depuis peu.

Voilà donc tout ce qui restait de ce cher malade que j’avais tant disputé à la mort ! Pendant que je luttais moi-même contre elle, elle s’était emparée de lui. Je ne l’avais pas su…, à moins que mon rêve de fièvre n’eût été une vision de ce qui se passait réellement à ce moment-là.

Je retournai chez moi brisée et j’eus encore un accès de fièvre, mais sans gravité. Les larmes vinrent et me soulagèrent physiquement ; mais mon cœur était brisé de n’avoir pu recueillir le dernier adieu et la bénédiction suprême de mon pauvre cher ami.

Quand je fus tout à fait remise, on se décida à m’apprendre les détails de sa mort. Il avait succombé à son mal après un mieux apparent et avec un grand calme.

Ce malheur nous était arrivé au moment où j’étais au plus mal. Il m’avait beaucoup demandée, on lui avait caché mon état, mais il avait bien fallu lui dire que j’étais indisposée ; alors il avait appelé Dumont et s’était entretenu avec lui de ses dernières volontés.

— À présent, ajouta Dumont, si vous vous sentez bien et de force à supporter une nouvelle émotion qui ne fera, je le sais, qu’ajouter à vos regrets, écoutez-moi. M. le prieur, à qui vous supposiez de très petites ressources et que vous entreteniez de tout par votre travail sans lui permettre de rien dépenser, sachant