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et puis on avait les fameuses piques et hallebardes prises au moutier en 89 et qui faisaient le fond de l’armement de la garde nationale de la commune. On m’engagea à bien recevoir les faux mendiants et à leur laisser ouvrir la porte à minuit. On convint que vingt des nôtres se tiendraient cachés dans le pli de terrain autour de la fontaine aux Miracles ; douze autres seraient cachés d’avance dans la chapelle du moutier, de manière à prendre les bandits par devant et par derrière.

Je courus donc avertir le prieur, et je l’engageai à se tenir bien tranquille dans sa chambre, que je chargeai Dumont de garder avec la Mariotte. Celle-ci mit en riant une broche derrière la porte, bien résolue à s’en armer au besoin. Les deux ouvriers veillèrent dans la cuisine et je m’en retournai à la grande porte pour recevoir les faux mendiants, qui ne tardèrent pas à se présenter et que je fis entrer sans leur témoigner de défiance.

Je leur demandai s’ils avaient faim. Ils répondirent que non, qu’ils avaient beaucoup marché et ne souhaitaient qu’un coin pour dormir. Je les conduisis à l’endroit que je leur destinais et ils se jetèrent sur un tas de fougères, comme des gens harassés. J’eus à veiller à ce que nos amis du village fussent assez prudents pour s’introduire sans bruit un à un dans la chapelle. Mais j’eus beau faire et beau dire, ils ne purent se tenir d’y causer à voix basse et bientôt je vis que les deux bandits ne dormaient pas, qu’ils se méfiaient et se glissaient dans la cour pour observer. Il était déjà onze heures du soir quand tous les préparatifs de nos défenseurs furent terminés, et nous fûmes