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ère heure, car ils ne faisaient point de grâce à ceux qui découvraient leur secret. Ils ne me trouvèrent pas et s’imaginèrent n’avoir entendu que le bruit d’une branche morte tombant d’un arbre. Je profitai, pour m’échapper, du bruit qu’ils firent eux-mêmes en retournant à leur carrefour. Mais, forcée de percer dans le taillis, car toutes les routes que j’aurais pu prendre aboutissaient à ce carrefour d’où ils auraient pu me voir, je ne pus savoir où j’étais et je m’égarai pendant une bonne demi-heure, tremblant de revenir sur mes pas et de me retrouver auprès d’eux.

Enfin, après m’être heurtée à bien des arbres et déchirée à toutes les épines, je me retrouvai à la lisière du bois, et je m’enfuis à travers la lande jusqu’à ce que j’eusse rejoint le chemin de Valcreux. J’y arrivai baignée de sueur malgré le froid qu’il faisait, et si essoufflée que j’avais peine à m’expliquer. J’allai au plus pressé, qui était de courir chez notre ancien maire, lequel était réélu depuis deux jours, et de lui raconter l’aventure. Il savait que je n’étais ni peureuse, ni visionnaire, et, sur-le-champ, il manda le garde champêtre pour rassembler le monde et avertir du danger qui menaçait le moutier. Nous n’avions plus guère d’hommes valides, tous les jeunes étaient à l’armée, mais les vieux ne manquaient pas de courage, et, quand on sut que les brigands n’étaient pas plus de sept, on résolut de tâcher de les prendre, car on soupçonnait plus d’une personne mal famée des environs de faire partie de la bande et on leur en voulait plus que s’ils eussent été des étrangers.

On s’arma comme on put. On avait encore quelques vieux fusils cachés qui avaient échappé aux réquisitions ;