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inquiet de moi ? Je n’ai pourtant pas dépassé le temps fixé ?

— J’allais te rejoindre, ma pauvre Nanon, répondit-il, et t’avertir de rester au moutier. Émilien… Voyons, prends ton grand courage !…

— On l’a arrêté ! m’écriai-je, prête à tomber ; les jambes me manquaient.

— Non, non, reprit-il, il est libre et bien portant, Dieu merci ! seulement… il est parti !

— Pour l’armée ?

— Oui. Il l’a voulu, il m’a dit : « J’ai relu la lettre de Costejoux, et je l’ai tout à fait comprise. Il m’apprend que je n’ai plus d’ennemis personnels, que mon évasion est ignorée, et, s’il me dit de rester _effacé, _ce qui ne veut pas dire _caché, _c’est parce que je le compromettrais en me rapprochant de lui et en invoquant sa protection. Eh bien, en passant dans une autre province, je n’expose ni lui ni moi, et je me dérobe à la honte de rester inutile. À la première ville où je me présenterai inconnu, muni du certificat de civisme que Costejoux m’a donné à Châteauroux, sous un nom qui n’est pas le mien, j’explique aux autorités qu’une maladie m’a empêché de satisfaire à la loi et je demande à m’engager, ce qui n’est certes pas imprudent ni difficile ; enfin, je rejoins l’armée n’importe où et je rentre en possession de mon honneur et de ma liberté. » — J’ai voulu l’accompagner, continua Dumont : il m’a démontré que je ne ferais que l’embarrasser dans les explications qu’il aurait à donner ; que je ne pouvais passer pour son père sans un surcroît de mensonges inutiles et dangereux, et pour son serviteur sans révéler sa position. Il comp