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II


Je me sentis bien honteuse ; pour sûr, ce garçon se moquait de moi, et il faut croire que j’avais beaucoup d’amour-propre, car cette honte me peina le cœur et je ne pus me retenir de pleurer.

Alors, le jeune religieux s’étonna et me dit d’une voix aussi douce que sa figure :

— Tu pleures, petite ? quel chagrin as-tu donc ?

— C’est, lui répondis-je, à cause de mon ouaille qui s’est sauvée dans votre pré.

— Eh bien, elle n’est pas perdue pour ça. Elle est contente puisqu’elle mange ?

— Elle est contente, je le sais bien ; mais, moi, je suis fâchée, parce qu’elle est en maraude.

— Qu’est-ce que ça veut dire, en maraude ?

— Elle mange sur le bien d’autrui.

— Le bien d’autrui ! tu ne sais ce que tu dis, ma petite. Le bien des moines est à tout le monde.

— Ah ! c’est donc qu’il n’est plus aux moines ? Je ne savais pas.

— Est-ce que tu n’as pas de religion ?

— Si fait, je sais dire ma prière.

— Eh bien, tu demandes tous les matins à Dieu ton