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abandonné.

Il ne croyait pas si bien prédire, et il se mit à l’œuvre. On arracha les mauvaises herbes, on bêcha tout l’automne. On utilisa le fumier de nos bêtes. On fit des rigoles pour l’écoulement des eaux. On brisa les rochers ; enfin, on sema du seigle, de l’orge et même un peu de blé, le tout acquis à grand’peine, et placé par espèces dans les différentes régions de cette lande inclinée, afin d’essayer les propriétés de la terre. Au mois de janvier, tout cela avait germé à souhait et on voyait un beau tapis vert briller au loin comme une émeraude au milieu des plantes sauvages desséchées par l’hiver.

La chose fut remarquée et quelques personnes se hasardèrent à venir voir nos travaux. Le paysan qui avait acheté l’endroit s’en émut et arriva des premiers. Quand Dumont lui eut dit qu’il reconnaissait son droit et s’en remettait à lui pour le partage, il s’apaisa et on s’arrangea à l’amiable. Le paysan était content, mais il disait :

— Je vois bien ce qui pousse, mais Dieu sait ce qui mûrira !

— Craignez-vous que le pays ne soit trop froid ? lui dit Dumont.

— Non, mais je vois bien que les fades vous ont laissé faire, et je ne sais pas si elles auront le caprice de vous laisser continuer.

— Je me moque des fades, je saurai bien les tenir en respect.

— Peut-être ! répondit le bonhomme en lui jetant un regard de méfiance : si vous savez les paroles pour les contenter, je ne dis pas ! mais, moi, je les ignore et ne souhaite point les apprendre.