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XVIII


Nous fûmes contents d’apprendre que notre solitude ne serait point troublée, mais, en entendant Dumont parler de ce réfractaire qui se cachait, Émilien s’indigna. Il trouvait très mal qu’on refusât le service et il nous dit que le plus grand reproche qu’il avait à faire à la Terreur, ce n’était pas de l’avoir fait souffrir en prison, mais de l’avoir empêché de faire son devoir.

— C’est donc bien décidé, lui dis-je, que, quand vous pourrez sortir d’ici sans être arrêté, vous partirez pour l’armée ?

— Est-ce que tu m’estimerais, reprit-il, si j’agissais autrement ?

Il n’y avait rien à dire, il avait l’esprit si net et le cœur si droit ! Je travaillai à m’habituer à l’idée de le voir partir sans lui rendre, par mes larmes, la séparation trop dure. Je voyais bien qu’il m’aimait plus que toute autre personne, mais je n’avais pas été élevée à croire que quelqu’un au monde dût me préférer à son devoir.

Le temps se passait pour moi à m’occuper de la vie matérielle. Je voulais que mes compagnons fussent bien portants et soignés comme il faut. J’y mettais mon amour-