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et servant d’escabeaux. De lits et de literie, il ne fallait point parler : ni table, ni armoires, point de cheminée. Je n’eus d’autre ouvrage à faire que des projets pour tirer parti de ce dénûment, tout en préparant la souper. On passa la première nuit à la belle étoile comme tant d’autres. Mais le pays était froid, et nous touchions à la fin de l’été. Dès le lendemain, on se mit à l’œuvre. Avant tout, on s’assura que la porte était solide, car il ne manquait pas de pistes de loup sur le sable aux environs. On répara le battant de la fenêtre, qui ne tenait plus. On fit une séparation pour que j’eusse ma chambre bien à moi, et on laissa une grosse fente entre deux roches pour que j’eusse aussi ma fenêtre que je bouchais le soir avec une botte d’herbes et de mousses. Nous avions apporté de Châteauroux, dans le chargement de l’âne, les outils nécessaires pour travailler le bois. Avec les planches, on fit trois caisses que l’on remplit de cette bonne mousse tirée du ruisseau que nous avions découverte et qui, bien séchée au soleil, nous fournit d’excellents lits, faciles à renouveler. J’avais apporté trois de ces grandes blouses blanches qui conservent les habits quand on est obligé de coucher avec : j’étais devenue, depuis que j’étais garçon, adroite et forte de mes mains pour les ouvrages de garçon. Pendant que les hommes faisaient les gros meubles, la table et les lits, je façonnais des cuillers et des fourchettes de bois, voire des sébiles et un drageoir pour le sel. Je fis aussi, avec du fil de fer, un gril pour les champignons. J’obtins une planche entière pour un rayon où j’installai ce que j’appelais pompeusement ma vaisselle. J’avais tout ce qu’il fallait pour coudre et raccommoder, du savon, des brosses,