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n’eussent pas demandé mieux que de faire le bien, mais qui ne savaient pas le faire. Eh bien ! quelque doux qu’ils fussent, on s’en plaignait, on ne voulait plus les supporter, on ne les respectait plus, on commençait même à les mépriser. C’est assez la coutume du paysan, de faire peu de cas des gens qui gouvernent mal leurs affaires. Je peux dire comment le paysan voit les choses, puisque je suis de cette race-là. Il considère avant tout, la terre qui le nourrit, et le peu qu’il en a est pour lui comme la moitié de son âme ; celle qu’il n’a pas, il la convoite, et, qu’elle soit à lui ou non, il la respecte, car c’est toujours de la terre, une chose où il croit voir et toucher le bienfait du Ciel. Dans mon jeune temps, il ne se souciait pas beaucoup de l’argent. Il ne savait pas s’en servir. Faire rouler, suer et produire les écus, c’était une science à l’usage des bourgeois. Chez nous autres, pour qui tout était échange, travail d’une part, payement en denrées, de l’autre, l’argent n’était pas un grand rêve. On en voyait si peu, on en maniait si rarement, qu’on n’y songeait point ; on ne pensait qu’à avoir un pré, un bois, un jardin à soi, et on disait :

— C’est un droit pour ceux qui travaillent et qui mettent des enfants au monde.

La dévotion seule retenait le paysan, mais elle ne retenait plus le bourgeois, et il y avait déjà longtemps qu’elle était une risée pour les nobles. Il n’y avait plus ni dons, ni offrandes, ni legs pour les couvents ; les grandes familles n’y envoyaient plus leurs derniers nés, que par rare exception ; le fonds ne se renouvelait donc pas, et la propriété se détériorait. L’état religieux n’était plus de mode quand il s’agissait de