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u détruis la chance qu’il avait d’en être quitte pour la prison. Adieu, je ne puis rester davantage ; voilà deux choses qui te sont nécessaires : un passeport, c’est-à-dire un certificat de civisme, et de l’argent.

— Merci pour le certificat, mais j’ai de l’argent plus qu’il ne m’en faut. Quand est-ce qu’on emmène Émilien ?

— Demain matin ; j’en fais transférer trois, parce qu’ici les prisons sont pleines. Je l’ai fait porter sur la liste des partants.

M. Costejoux me quitta brusquement en entendant sonner à la porte de sa maison. Je ne le revis plus. J’occupai le reste de ma journée à examiner une carte de Cassini, que je trouvai dans la chambre de madame Costejoux et que je gravai dans ma mémoire aussi bien que si je l’eusse calquée. Le soir venu, je dis à Laurian qui m’apportait mon souper, que je voulais retourner à Valcreux et que je le priais de laisser la porte d’en bas ouverte. Je lui promis de sortir sans être vue de personne. Je guettai le moment et je tins parole. J’étais venue de nuit, je partis de même, et les autres domestiques de la maison ne surent pas que j’y avais passé une nuit et un jour.

J’avais réfléchi à ce que je voulais faire. Rester dans la ville, au risque d’y rencontrer Pamphile, c’était compromettre le départ d’Émilien ; mais retourner à Valcreux, c’était ne plus rien savoir et perdre sa trace. J’étais décidée à me rendre à Châteauroux. Je savais qu’il y avait une diligence et qu’elle partait le matin ; j’avais écouté tout ce que j’avais pu saisir, la veille, dans la cuisine, j’avais pris note de tout. Je sortis de la ville avec ma cape grise sur la tête et