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des quarante jours est un accident. La Gironde est bien intentionnée, elle déposera peut-être le roi ; mais, si on lui donne le palais du Luxembourg pour résidence, il y sera fort bien et s’y reposera de ses émotions. Il fera comme moi, qui n’ai jamais été si tranquille ici que depuis que je n’y suis plus rien.

Quel démenti à de telles illusions, quand, peu de mois plus tard, la Convention, en douze jours, jugea le roi et institua le tribunal révolutionnaire ! Cette fois, la tristesse arriva jusque chez nous avec la grande misère. Les assignats étaient discrédités, l’argent ne se montrait plus, le commerce était mort, et on disait, des commissaires envoyés dans les provinces, des choses si terribles, que les paysans n’allaient plus à la ville, ne vendaient et n’achetaient plus rien. On vivait de petits échanges de denrées entre voisins, et, si on avait une pièce de six francs, on la cachait dans la terre. Les réquisitions nous prenaient notre bétail, on n’avait plus de bétail. M. le prieur étant très malade et manquant de bouillon, je fis tuer pour lui mon dernier agneau. Il y avait longtemps que Rosette était vendue pour acheter des jupes à Louise, qui n’avait plus rien, car il ne fallait plus l’habiller en demoiselle, et M. le prieur aussi était en carmagnole de paysan.