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pouvait plus respirer comme les autres, ni au moral, ni au physique.

Pendant qu’il essayait ainsi de se maintenir en dehors de tout, ni la Mariotte, ni mes deux cousins, ni le vieux Dumont ne se tourmentaient des événements. La déclaration de la patrie en danger et l’enthousiasme des enrôlements volontaires n’avaient guère pénétré chez nous. Nous apprenions l’effet des décrets quand il avait cessé de se produire. De notre côté, il n’y eut d’abord que quelques mauvais sujets sans amour du travail qui s’en allèrent de bon gré aux armées. Émilien ne pensa pas, dans ce moment-là, qu’il eût à se faire un devoir de les imiter. Il songeait à son frère qui se battait pour la cause contraire et il attendait sans parti pris, lorsqu’il reçut une singulière lettre de M. Prémel, l’intendant de Franqueville.

« Monsieur, lui disait-il, je reçois une lettre de M. le marquis votre père qui s’occupe de votre situation présente et de celle de mademoiselle votre sœur. Voici ses propres expressions :

« Fournissez à M. Émilien l’argent nécessaire pour sortir de France et venir me rejoindre à l’armée de Condé. J’imagine qu’il se souviendra d’être un Franqueville et qu’il ne reculera pas devant les quelques dangers à courir pour effectuer cette résolution. Entendez-vous avec lui pour lui en faciliter les moyens, et, quand vous l’aurez convenablement équipé, muni d’un bon cheval et d’un bon domestique, remettez-lui la somme de cent louis. S’il a le courage et la volonté de m’obéir, n’épargnez rien pour lui. Sinon, déclarez-lui que je l’abandonne et ne le considère plus comme étant de m