Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

offrait, à condition qu’on ne reviendrait pas sur les partages. Il envoya Dumont dans son pays de Guéret et parut content de ce qu’il lui rapporta.

Toutes choses ainsi réglées, nous eûmes l’innocent égoïsme de goûter, au milieu de ces temps qui devenaient de plus en plus malheureux et menaçants pour la France, un bonheur extraordinaire. Il faut dire, pour nous justifier, que nous ne savions presque plus rien de ce qui se passait et que nous commençâmes bien vite à n’y plus rien comprendre. Tant que la communauté avait existé, on y avait reçu des gazettes, des ordres du district, des avis du haut clergé. On n’envoyait plus rien au prieur, le clergé l’abandonnait et le blâmait d’avoir pactisé avec l’ennemi en acceptant l’hospitalité et la confiance de l’acquéreur. Les paysans, ivres de joie d’avoir acheté des terres, ne songeaient plus qu’à entourer d’épines et de pierres leurs précieux petits lopins. On travaillait avec une ardeur qu’on n’avait jamais eue et, comme on se querellait souvent sur les bornages des acquisitions, on ne songeait plus à se disputer sur la religion et la politique. Même on était devenu plus religieux que du temps des moines. Le moutier n’étant plus église paroissiale, on n’y disait plus la messe ; mais, sur la demande des habitants, le prieur faisait sonner l’angélus matin et soir et à midi. Il y avait longtemps qu’on ne disait plus la prière, mais il n’y a rien que le paysan aime mieux que le son de sa cloche. Elle lui marque la fin et le commencement de sa journée et lui annonce, au milieu du jour, l’heure de son repas qui est aussi une heure de repos. Plus tard, quand les cloches du moutier furent réquisitionnées pour