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seul journal auquel la chanoinesse eût été abonnée.

En se livrant de concert avec Amédée à ce petit travail, en l’aidant à enlever les quelques grains de poussière et les bouts de ficelle qui eussent pu nuire à l’éclat du coup d’œil ; enfin, en le suivant dans sa chambre pour brosser son habit et laver ses mains, Thierray, toujours chercheur et soupçonneux, s’était rapidement posé ce problème : »

— Voici un fort joli garçon. Ses yeux sont des flammes douces, ses dents sont des perles, ses muscles sont d’acier, ses formes sont élégantes, ses manières et son extérieur sont d’un homme parfaitement élevé. Il parle peu, mais sa physionomie et sa prononciation disent qu’il est intelligent et distingué ; Gervais raconte qu’il a été élevé ici comme l’enfant de la maison, que M. Dutertre l’aime comme son fils, et se fie à lui par-dessus tout ; qu’il s’est adonné à l’étude de l’agriculture, et qu’il surveille et dirige en grand les vastes exploitations territoriales de son oncle. Donc, c’est un homme charmant que l’on peut ranger, chose rare, dans la catégorie des hommes utiles. Les femmes aiment-elles les hommes utiles ? Non ! mais elles aiment les hommes charmants. Donc, celui-ci doit être aimé céans d’une ou de plusieurs femmes, et il est aimé en raison du degré de charme qui l’emporte en lui sur l’utile. Quel est ce degré, s’il existe ? Et, tout en échangeant quelques mots de conversation générale avec Amédée, en regardant avec une attention pénétrante tous ses mouvements, toutes ses expressions de physionomie, il le trouva si calme, si simple, si à propos dans toutes choses, qu’il ne sut que penser.

— S’il était passionné, comme sa mélancolie l’indique, se disait-il, l’équilibre serait détruit ; l’homme qu’on doit aimer l’emporterait de cent degrés sur l’homme qu’on