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admira le dessous du couvercle qui était peint en vermillon, verni et doré comme le tabernacle du clavier, et enfin découvrit aux yeux charmés de Thierray l’intérieur d’un des plus coquets et des plus riches instruments du xviiie siècle : les cordes de laiton, fines comme des cheveux, résonnant sur leurs petits becs de plume, le mécanisme naïf de l’instrument centenaire $, dont la voix avait quelque rapport avec celle du perroquet, et, enfin, la table d’harmonie, ce fin morceau des artistes luthiers d’avant la Révolution, planchette de sapin mince comme une feuille de papier, lisse comme du satin et couverte de peintures mates aux teintes éblouissantes de pourpre et d’azur. Des arabesques d’une charmante fantaisie entouraient l’ouverture circulaire par où le son tentait de se répercuter dans la boîte inférieure. Des feuillages verts s’enroulaient gracieusement autour d’une couronne d’étoiles d’or sur un fond de cobalt ; et, pour consommer le triomphe de Crésus, partout, sous la trame dorée des cordes métalliques, couraient et voltigeaient de beaux oiseaux fantastiques aux vives couleurs, au bec et aux pattes d’argent, becquetant des fleurs splendides et faisant mine d’ajouter, par leur ramage, aux harmonies évoquées sur le clavier.

— Allons, c’est un bijou, dit Thierray à Flavien, et une curiosité de prix. Dans notre siècle d’utilité et de réalité, on a perfectionné la sonorité, on a atteint la solidité ; mais, dans l’heureux temps auquel remonte cette machine coquette, l’imagination suppléait aux jouissances de l’oreille, et les yeux charmés rêvaient des concerts d’oiseaux célestes qui chantaient dans l’âme plus que dans le tympan. Eh ! mon Dieu, la voix humaine était-elle moins belle pour être accompagnée par ces sons grêles, et la pensée musicale des maîtres était-elle moins