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Dutertre que j’ai élevé à la brochette pour vous, choisissez ! »

— Crois-tu, vraiment, que mon père le destine à l’une de nous ?

— J’espère qu’il le réserve pour sa Benjamine. Ils sont faits l’un pour l’autre, ces charmants enfants, et je ne pense pas qu’on me fasse, à moi, l’injure de me l’offrir.

— Parce que tu rêves l’amour, l’idéal, que sais-je ? mais, moi, sans faire tort à Benjamine, qui ne pense encore et ne pensera peut-être jamais qu’à élever des serins, je t’avoue que, si je me voyais réduite par disette à conserver intact mon nom de Dutertre, je m’arrangerais du cousin Amédée plutôt que de bien d’autres. Il ne me plaît pas du tout, je te le déclare ; même il me déplaît un peu, il m’ennuie ! mais, en somme, il est encore le plus joli garçon, le plus convenable, le plus instruit, le plus propre à faire un mari de campagne que nous ayons sous la main.

— Enfin, nous y viendrons, pensa Nathalie, mais tout à l’heure !… Voyons d’abord… Éveline ! dit-elle tout haut, comme si elle n’eût pas entendu ce que sa sœur venait de dire à propos d’Amédée : que dis-tu de ces deux nouveaux visages qui sont venus ce soir et qu’on n’a pas voulu nous montrer aux lumières ?

— Je les ai entrevus dans la cour, dit Éveline. Il y a une espèce de lion qui m’a paru irréprochable.

— M. de Saulges ?

— Oui, le nouveau voisin.

— Tu le trouves bien ?

— Parfait, charmant, un homme délicieux ! Mais, après le premier coup d’œil accordé à la curiosité, je n’y ai plus fait la moindre attention.

— Pourquoi ?