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marier qui fleurissait à Puy-Verdon, elle était la plus heureuse des trois, parce que, seule, elle n’avait pas la préoccupation d’être la plus spirituelle et la plus belle. Pourvu que papa et maman fussent contents d’elle, elle s’estimait la première fille du monde. C’est ainsi qu’elle disait, et c’est ainsi qu’elle sentait.

Au milieu du luxe naturel à une maison très-riche, les goûts simples, les instincts de ménagère de la Benjamine faisaient un contraste bizarre avec les goûts aristocratiques et les grands airs de celle qu’on appelait la lionne. Celle-là, Éveline la grande écuyère, venait de descendre au salon, après avoir échangé ses vêtements de drap mouillé contre une toilette d’un goût ravissant. Recoiffée, parfumée, chaussée, c’était une autre femme. Elle le savait, et aimait à se montrer tantôt sous l’aspect d’un garçon pétulant, indifférent aux morsures du hâle et aux fatigues de la chasse, tantôt sous celui d’une femme nonchalante et raffinée, exercée à déployer toutes les séductions d’une coquetterie encore innocente, mais alarmante pour l’avenir.

Elle s’attendait à trouver plus de monde pour apprécier cette toilette miraculeusement rapide. Nathalie, qui était toujours habillée d’une manière grave, non pas tant par goût naturel que par besoin de trancher par une opulente austérité à côté des chiffons plus recherchés et des coiffures plus savantes de sa sœur, en fit aussitôt la remarque tout haut avec cette désobligeance sans pareille des filles hautaines et jalouses.

— Ils sont partis, dit-elle en jetant un regard d’admiration moqueuse sur les blondes tresses qu’Éveline avait semées de fleurs naturelles, et sur sa robe de mousseline blanche, souple et flottante comme un nuage.

— Qui donc est parti ? demanda Éveline avec une hypocrisie maladroite.