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avait un travers capital : elle s’imaginait que la vie est un bal, une partie de chasse, moins encore, une toilette, un temps de galop. Heureuse et triomphante, elle eût tout brisé sous ses jolis petits pieds ; triste et navrée, elle est devenue bonne tout à fait, bonne comme un ange ! La résignation terrible de Dutertre et sa bonté inouïe ont fait ce miracle, auquel mon amour a peut-être un peu contribué aussi. Il n’a plus été question de fêtes et de voyages. Les habits de deuil ont fait rentrer les chiffons. Enfin la maternité est venue, et c’est là le grand sacrement, le second baptême pour une jeune femme. Imagine-toi que cette chère créature, qui est une vraie fée, a eu le talent de me donner une petite fille qui me ressemble à faire peur ! mais on en est quitte pour la peur, car, en la regardant, on s’aperçoit qu’en dépit de cette ressemblance, de cette frêle enveloppe, de ce teint brun et de ces cheveux noirs et rebelles, c’est une petite merveille de grâce, de charme et de gentillesse. Tu vas la voir, cela marche et parle déjà comme un enfant de deux ans, bien qu’elle compte à peine treize lunes, comme disent les sauvages de Chateaubriand.

— Allons ! je suis heureux d’entendre tout cela, dit Flavien. Et l’autre fille de Dutertre… la Benjamine, comme on l’appelait ?

— La Benjamine, comme on l’appelle toujours, a épousé son cousin Amédée, il y a six mois. Ceux-là sont heureux. Regarde-les bien si tu veux voir le ciel sur la terre. Un ciel un peu voilé, car il y a encore des larmes dans ces yeux-là. Mais que de simplicité, que de dévouement, que de vertus à la fois rigides et douces dans ces deux enfants ! Ils sont si parfaits, si beaux, vois-tu, que cela donne envie de leur ressembler.

— Oui, je savais qu’ils étaient mariés, qu’ils s’ai-